Mali : BVG?
Violences Basées sur le Genre au Mali : Le regard croisé des spécialistes Des gynécologues, juristes, sociologues, des responsables religieux, des personnes évoluant dans les Organisations non gouvernementales (ONG) en soutien aux victimes dudit fléau, entre autres, tous demeurent inanimes sur l'aspect criminel des violences basées sur le genre (VBG) et les conséquences qui y découlent. Selon des spécialistes, les Violences basées sur le genre ‘’ VBG’’ désignent l’ensemble des actes nuisibles dirigés contre une personne en raison de son sexe, de son genre ou des normes sociales qui y sont associées. Elles touchent principalement les femmes et les filles, mais peuvent aussi affecter les hommes. Selon le GBVIMS, 905 cas de violences basées sur le genre ont été signalés au deuxième trimestre 2025 (avril-juin) . Les femmes représentent 97 % des survivantes, dont 77 % sont des femmes adultes et 20 % des filles de moins de 18 ans . Rompre avecvle silence- Des spécialistes dénoncent le silence des victimes des VBG. Pour eux, la persistance des cas s’explique aussi par le silence de nombreuses victimes, souvent paralysées par la peur du regard social, les pressions familiales qui les empêchent de dénoncer leurs agresseurs ou de se rendre dans un centre de prise en charge. Le cas de Kadiatou Traoré révélateur. Elle témoigne être victime de la violence répétitive de son conjoint. «J’accouche par césarienne et pendant mes grossesses mon mari me battait. Je ne peux pas le dénoncé parce que je l’aime et je n’ai nulle part où aller», raconte-t-elle. Une autre victime ayant requis l’anonymat renchérit, «Après avoir découvert des messages suspects sur le téléphone de mon mari, je lui ai confronté et il m’a battu à sang».
C'est dire que le phénomène des VBG persiste encore au Mali. Ces VBG portent atteinte à l’intégrité physique, psychologique et sociale des victimes, limitent leur accès aux opportunités et renforcent les inégalités. Les VBG peuvent priver les femmes et les filles de leurs droits fondamentaux, de dignité, de sécurité et de liberté. Ces violences sont tantôt conjugales, tantôt de la société... Elles peuvent être d'ordre psychologique notamment les traumatismes moraux, les harcèlements, les humiliations, et atteintes à la pudeur… ; violence physiques (coup et blessure, agression) ; violence économique (interdiction de poursuivre une activité génératrice de revenus), violence sexuelle (viol, mutilations génitales féminines), et les pratiques traditionnelles néfastes comme le mariage précoce. Selon Dr Yacouba, gynécologue de son état, les cas les plus fréquents sont les coups et blessures chez les femmes, et les mutilations génitales chez les filles. Il explique que la aprise en charge repose d’abord sur la sensibilisation aux complications possibles, et un traitement spécifique en fonction de la lésion retrouvée. Les VBG ont des impacts négatifs sur la santé des victimes. Notre psychologue nous renseigne que «les auteurs de VBG peuvent être influencés par des traumatismes non résolus, des troubles de la personnalité ou des modèles familiaux violents, tandis que les survivantes développent stress post-traumatique, anxiété, dépression et la prévention nécessite sensibilisation, éducation émotionnelle et promotion de l’égalité dans les communautés». Et d'ajouter que des hommes sont aussi victimes d'agression de la part de leurs conjointes qu’elles soient verbales ou physiques. Tous les actes dégradant l'intégrité de la personne humaine portant atteinte à la pudeur forment une grande barrière entre la personne et ses droits les plus absolus et c'est le devoir de l'Etat de freiner ses actes tant par la sensibilisation que par la force. Fort heureusement, les entités Étatiques chargées de lutter contre ce phénomène sont lourdement appuyées par les organisations non gouvernementales qu'elles soient internationales ou locale.
Aziz Koné, juriste, souligne que le cadre légal encadre strictement le traitement des différentes plaintes liées aux violences. «La Constitution du 22 juillet 2023, le Code des personnes et de la famille ainsi que le Code pénal encadrent les procédures relatives aux différentes plaintes, notamment la plainte d’atteinte à l’intégrité physique, la plainte d’abus sexuel, la plainte de violence conjugale et la plainte d’abandon de domicile conjugal», rappelle-t-il. Selon lui, une fois déposée, chaque plainte suit l’ensemble des étapes prévues par la procédure, et lorsqu’il s’agit d’une affaire délictuelle, le traitement s’étend sur environ trois mois, tandis que pour une affaire criminelle, la procédure dure au minimum un an. Interrogé sur la place de la femme dans la société, un leader religieux, dans l'anonymat, confirme que, « l’islam repose sur un principe d’équité qui accorde à l’homme et à la femme la même dignité. Aucun n’est supérieur à l’autre, et la religion exige un traitement juste et respectueux envers les deux sexes, en reconnaissant le rôle essentiel de la femme dans la société».
«Au lieu de rendre meilleure, la société l'infecte avec des stéréotypes sexistes de supériorité. Il en va de soi que cela cesse et pour cela la masculinité positive est un atout. Ainsi, il faut faire réaliser des méthodes afin de réadapter nos traditions, coutumes et nos règles actuelles sans pour autant les abandonner», réagit Madame Elisabeth Stéphanie CONDE, sociologue de son état. Selon notre interlocutrice, les facteurs qui expliquent la persistance des VBG sont multiformes. Dans une société patriarcale, croît-elle savoir, l’homme est perçu comme supérieur à la femme, ce qui légitime le contrôle de son comportement. À cela s’ajoutent, évoque-t-elle, le silence des victimes dû aux pesanteurs sociales, la mauvaise perception des droits des femmes et la faiblesse des sanctions, qui entretiennent l’impunité. Madame Elisabeth Stéphanie CONDE préconise, pour réduire durablement les violences basées sur le genre, des mesures globales qui dissuadent les auteurs. Mais aussi d’apprendre aux femmes et aux filles à utiliser les voies de recours pour faire appliquer leurs droits.
Prise en charge des victimes-
Pour sa part, Sow Gouagna Traoré, coordonnatrice de Samu Social, revient sur l’orientation et la prise en charge des jeunes filles victimes de VBG. «La prise en charge commence par un accompagnement médical», dit-elle. Et d'indiquer: «Nous orientons aussi vers des structures partenaires comme les centres de référence, les hôpitaux ou le One Stop Center pour les victimes de violences basées sur le genre (VBG)».
Pour elle, la lutte contre les VBG repose sur la prévention, la sensibilisation, la protection des victimes et la poursuite des auteurs. Toujours selon elle, cette lutte nécessite aussi l’engagement des communautés, des autorités et des institutions pour garantir un environnement sûr, équitable et respectueux des droits humains. Le sociologue Sory Kané s’exprime sur les enjeux de la lutte contre les VBG. «Les leaders communautaires doivent sensibiliser et éduquer sur les droits des femmes et des enfants, servir de relais entre les victimes et les structures d’aide, dénoncer les violences et encourager les signalements», soutient-il. Ajoutant que les associations doivent offrir un accompagnement psychosocial, juridique et médical, mettent en place des campagnes de prévention et de formation, et créent des centres d’écoute et de refuge. Les médias, pour lui, doivent continuer à diffuser des messages de sensibilisation adaptés, de natute à briser le silence et les tabous, mettant du coup en lumière les bonnes pratiques et dénonçant l’impunité. Il propose également aux institutions étatiques d'adopter et faire respecter des lois contre les VBG, de renforcer les mécanismes de protection, de financer des programmes d’appui et de renforcer les capacités des acteurs.
En sommes, les violences freinent la promotion des femmes, limitent leurs libertés et restent souvent ignorées par les décideurs. Alors que les inégalités sociales envers les filles entraînent des conséquences graves sur leur éducation et leur émancipation. Ce qui revient à signaler qu'il est plus que jamais urgent pour notre pays à s'engager pleinement dans la lutte contre les VBG pour l’égalité des sexes.
Fatoumata Diaby
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