Violences basées sur le genre - VBG

«Apprendre d'abord aux femmes et filles à obtenir l’application de leurs droits»
Dixit  Madame Elisabeth Stéphanie CONDÉ, Sociologue du Développement et Directrice de l’Université Privée Mandé Bukari

 
Entre normes patriarcales, silence imposé aux victimes et insuffisance des sanctions, les violences basées sur le genre demeurent une réalité préoccupante au Mali.  Madame Élisabeth Stéphanie Condé, sociologue du développement, revient sur les causes profondes du phénomène et les actions nécessaires pour y faire face. Interview !
 
Reflet d’Afrique :
Quelle est aujourd’hui la situation des violences basées sur le genre dans votre domaine d’intervention, à savoir le milieu scolaire ?

Elisabeth Stéphanie CONDE : J’ai évolué dans des projets mettant en lien la problématique du genre avec le milieu scolaire, notamment dans le projet USAID /SIRA où j’évoluais au compte de l’ONG Save The Children. Dans les évaluations de genre, nous avons conclu que malgré les progrès réalisés dans le cadre juridique pour l'égalité de genre, le potentiel éducatif de nombreuses femmes et filles et leur qualité de vie dans l’ensemble, continuent d'être limités par des contraintes sociales patriarcales, des rôles de genre bien établis, la division du travail et la tolérance à l'égard de la violence sexiste. Les disparités dans les résultats scolaires persistent.

Reflet d’Afrique : Quels sont les principaux facteurs qui expliquent la persistance des VBG malgré les actions de sensibilisation et de prévention ?

E S C : Les facteurs sont multiformes. Dans notre société hautement patriarcale, la violence basée sur le genre a pour fondements les préjugés sociaux qui font de l’homme un être supérieur à la femme. Dans la conscience populaire, il est du droit de l’homme et de sa responsabilité de contrôler le comportement des femmes. Ce qui est considéré comme acceptable est défini par l’homme et promu par la société. Il faut ajouter à cela, des causes tenant à l'attitude des femmes elles-mêmes ou à leur statut. Lorsque la violence survient, la femme et son entourage évitent d’en parler pour plusieurs raisons : pesanteurs socioculturelles, pression de la société, sentiment de peur et de culpabilité, etc. 
Il y a aussi des facteurs liés à la mauvaise perception des droits des femmes, à la faiblesse des peines infligées aux auteurs et parfois à l’impunité.
 
Reflet d’Afrique : Quels défis rencontrez-vous en l'occurrence lorsqu’il s’agit d’accompagner les victimes de VBG ?

E S C : La violence se manifeste à l’école, pour parler du domaine qui nous concerne, sous certaines formes : chantage, harcèlement sexuel, injures, coups et même viol. Les auteurs sont les élèves, le personnel enseignant, l’administration scolaire, des tiers qui fréquentent le milieu scolaire pour diverses raisons... Et les effets sont d’ordre psychologique, physique et psychosomatique, toutes choses qui impactent  négativement le rendement scolaire. L’accompagnement de tels cas passe par un partenariat étroit entre les divers acteurs de la prise en charge des victimes consistant à dénoncer les auteurs, à échanger les informations et à mettre en place des stratégies pour aider la victime à redevenir une personne normale.
 
Reflet d’Afrique : Quelles actions prioritaires recommandez-vous pour réduire durablement les VBG au Mali ?

E S C : On rencontre les violences basées sur le genre dans tous les secteurs de la vie. Pour les réduire, il faut prendre des mesures globales qui dissuadent les personnes enclines à ces violences, mais avant tout, il est indispensable d’apprendre aux femmes/filles à utiliser les voies de recours pour obtenir l’application de leurs droits. Plusieurs textes de loi existent au plan national notamment : la Constitution du Mali, le Code du travail, le Code de prévoyance sociale et certaines lois particulières dont la loi sur la santé de la reproduction, la loi d'orientation sur l'éducation...

Interview réalisée par Fatoumata Diaby