Le stage au Mali : entre abus, humiliation et formation...
Le stage au Mali : un passage obligé, mais à quel prix ?
Entre rareté des offres, favoritisme, absence de cadre légal clair, conditions de travail souvent précaires et absence fréquente de rémunération, sans oublier harcellement sexuel devenu le chemin obligatoire pour s'intégrer dans les services, l’expérience du stage illustre à elle seule les défis structurels de l’insertion professionnelle des jeunes.
Au Mali, le stage occupe une place paradoxale dans le parcours académique et professionnel. Théoriquement conçu comme un tremplin vers l’emploi, il se révèle pour beaucoup d’étudiants un obstacle supplémentaire. Ces derniers, en fin d'études ou en phase terminale, s'intégrer dans un milieu professionnel devient la croix et la bannière. Ces défis sont d'ordre de la rareté des offres, le favoritisme, l’absence de cadre légal clair, les conditions de travail souvent précaires et absence fréquente de rémunération, en plus du favoritisme sexuel. Ce qui fait que l’expérience du stage illustre à elle seule les défis structurels de l’insertion professionnelle des jeunes. Ce qui devait être une école de pratique et d’opportunités se transforme trop souvent en un espace de désillusion, d’inégalités et de souffrances pour la jeunesse malienne.
Dans un contexte où les stages constituent une étape incontournable des cursus universitaires, les étudiants maliens se heurtent à une réalité complexe : décrocher un stage relève souvent d’un véritable parcours du combattant. Loin d’être seulement une question de compétences, l’accès aux stages dépend fréquemment de relations personnelles. Pis, les démarches administratives sont longues et incertaines, les entreprises manquent de programmes formalisés, et la majorité des offres circulent dans des cercles restreints. Résultat : beaucoup de jeunes multiplient les tentatives sans succès, jusqu’à céder au découragement. Et pour ceux qui réussissent, l’expérience se transforme parfois en exploitation, sans aucune garantie d’insertion professionnelle par la suite.
Halima Maïga, stagiaire dans un organe de presse, raconte son calvaire. Selon elle, pendant sa recherche de stage, elle a rencontré énormément de difficultés. «Le manque d’offres et d’opportunités était frappant, et j’ai souvent été victime de favoritisme. On ne me laissait même pas la chance de montrer mes compétences», temoigne-t-elle. Et de déplorer :«J’ai constaté que, dans ce milieu, les relations personnelles comptent bien plus que les compétences réelles. Les offres de stages sont rares, voire inexistantes, et cette situation m’a découragée au point que j’étais prête à abandonner». Heureusement, avoue notre interlocutrice, finalement, grâce à l’intervention d’un de mes professeurs qui m’a mise en contact avec un de ses confrères, j’ai pu obtenir mon stage actuel. « Mais ce parcours a été long, difficile et éprouvant», estime-t-elle.
En effet, lorsqu’ils parviennent à décrocher un stage, les étudiants découvrent une autre réalité : celle d’un monde du travail où leur statut de stagiaire est parfois synonyme de main-d’œuvre gratuite. Non-rémunération systématique, horaires excessifs, absence d’encadrement pédagogique ou encore tâches sans lien avec leur formation… autant de situations qui transforment l’expérience censée être formatrice en véritable désillusion.
Nantenin dite Nènè Keïta est étudiante en licence 3 journalisme et communication à l’INTEC SUP. Elle effectue son stage à MalibaTV1 où elle présente les journaux et les flashs en français. Selon elle, le rythme est soutenu, mais il correspond exactement à ma formation et me permet de pratiquer le journalisme en conditions réelles. «Je ne reçois pas de rémunération fixe, seulement parfois des frais de transport, ce qui reste une difficulté». Comme l'exception confirme la règle, Nantenin dite Nènè Keïta souligne que malgré tout elle bénéficie d’un certain encadrement et de conseils utiles, et considère cette expérience comme un véritable tremplin pour sa future carrière.
Face à ces dérives, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer un encadrement plus strict des stages au Mali. Spécialistes de l’éducation, recruteurs et associations de jeunesse soulignent l’urgence d’instaurer un cadre légal clair, garantissant au minimum une reconnaissance, une rémunération symbolique, et un véritable suivi pédagogique. Car au-delà de l’apprentissage individuel, c’est l’avenir professionnel d’une génération entière qui est en jeu.
Poir Dr. DIAMALOLO Kengestor, Recteur de l’ESC Mali et professeur dans diverses universités privées de Bamako, le principal problème des stages au Mali, c’est l’absence d’un cadre légal strict et appliqué. «Certes, le Code du travail prévoit que les objectifs, la durée et la rémunération doivent figurer dans le contrat, mais dans la pratique, ces dispositions ne sont pas respectées», note notre spécialiste d'enseignement. Et de regretter que beaucoup de stagiaires se retrouvent sans encadrement, affectés à des tâches sans lien avec leurs études, et sans réelle perspective d’embauche. Cette situation, decrit-il, compromet l’acquisition des compétences pratiques et rallonge la période de chômage des jeunes diplômés. «Pour moi, une rémunération minimale, ou au moins des compensations pour le transport et les repas, devraient être obligatoires», souhaite notre interlocuteur. Et d'interpeller qu'il est urgent de renforcer le cadre légal, de créer des mécanismes de suivi impliquant universités, entreprises et institutions publiques, et de sensibiliser les employeurs à leur rôle. «Mon message est clair : les stages sont un levier essentiel pour l’insertion professionnelle. Les valoriser, c’est investir dans l’avenir du Mali», insiste-t-il.
Le stage, censé préparer les jeunes Maliens à leur entrée dans le monde professionnel, est devenu pour beaucoup une étape douloureuse et source de frustrations. Pourtant, en repensant son cadre et en responsabilisant les entreprises comme les institutions, il pourrait redevenir ce qu’il aurait toujours dû être : un tremplin vers l’avenir, et non un obstacle de plus sur le chemin des étudiants.
Coumba Diakité
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